Revue de presse / tribune

G. Chevrier : Dans le foot comme ailleurs, "aucune prédestination selon l’origine, la religion ou la couleur" (atlantico.fr , 12 fév. 22)

Guylain Chevrier, docteur en histoire, enseignant et formateur en travail social, vice-président du Comité Laïcité République. 14 février 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

(Version longue du texte paru sur atlantico.fr)

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"Une poignée de footballeuses qui entendent porter le voile sur le terrain, particulièrement lors des compétitions, ont saisi en novembre dernier le Conseil d’Etat pour faire abroger ce principe du règlement de la Fédération Française de Football (FFF) qui interdit "tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale".

Leur demande a été rejetée, mais continue d’être examinée sur le fond. Selon le journal L’Equipe, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) a également saisi, mi-décembre, le Conseil d’État, via une requête sommaire, pour contester cet article, avançant l’argument d’« une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression ». Chacun jugera des droits de l’homme défendus ici… En attendant, contrairement à ce qui est avancé, l’article de la FFF respecte le principe de proportionnalité, puisqu’il énonce comme la Cour de justice de l’UE le considère, qu’il est possible d’imposer le principe de neutralité, par exemple dans l’entreprise dans les relations avec la clientèle, dans la mesure où sont proscrites toutes les formes d’expression identitaires, politique, philosophique, religieuse, précisément. Ne constituant pas dès lors une discrimination [1]

Ces hijabeuses ont fondé il y a deux ans leur collectif sous la forme d’un « syndicat de footballeuses musulmanes ». On ne peut être plus explicite. C’est la Ligue du droit international des femmes qui ici ferraille, association historique fondée par Simone de Beauvoir, entendant faire barrage à cette banalisation par le voile d’un véritable « apartheid sexuel ».

Un procès en discrimination de la FFF et de la France qui ne tient pas

Dans un appel publié dans le journal Libération qui soutient cette demande, porté par des footballeurs connus tels Lilian Thuram, Eric Cantona ou Vikash Dhorasoo, on fait un procès en discrimination, qui soutient que la France serait ici isolée. Rappelons que la règle 50.2 de la Charte olympique [2] impose la même neutralité, pour faire du sport un espace protégé vis-à-vis de ce qui divise parfois les peuples ou oppose des minorités, en raison de telle tradition ou telle religion, de tel conflit local. Par-delà ce qui dans la vie sépare les individus, le sport par sa neutralité les rassemble, les unit. Espérons que cette règle soit respectée lors des JO de 2024 à Paris.

Dans cet appel, on prétend qu’il en irait de la liberté individuelle et de la démocratie pour interroger : « Comment peut-on prétendre lutter contre un « séparatisme » qu’on organise de fait en excluant certaines sportives des compétitions ? » Mais comment ne pas voir que ce voile est justement le symbole du séparatisme, puisqu’il exprime le refus du mélange au-delà de la communauté de croyance ? Qu’il est la manifestation, pour celles qui le portent qu’elles le veuillent ou non, d’une culture religieuse de l’inégalité entre les sexes ? Car, si les femmes sont censées cacher leurs cheveux, c’est en raison d’être désignées par l’islam comme tentatrice pour l’homme, reportant sur elles la responsabilité qu’il puisse fauter, dont il faut le protéger par cette dissimulation.

Une ministre déléguée à l’égalité qui promeut le contraire

La ministre déléguée à l’Egalité femmes-hommes, Elisabeth Moreno, a estimé interrogée sur LCI, que les femmes "ont le droit de porter le voile islamique pour jouer" sur un terrain de foot, pour permettre de sortir d’une certaine « assignation à résidence » pour les filles ou encore que, « dans l’espace public, les femmes peuvent se vêtir comme elles le souhaitent » reprenant les dire de certaines disant porter « le voile par choix » et de conclure « Ma bataille c’est de protéger celles que l’on force à porter le voile ».

L’espace public n’est d’abord pas un stade de foot. En y autorisant le voile, n’est-ce pas faire la promotion d’un modèle d’inégalité propre à un communautarisme qui s’oppose à la liberté des filles ? N’est-ce pas donner le feu vert à une emprise communautariste sur nos banlieues qui entend qu’elles intériorisent très tôt ce sous-statut sexuel au point de le revendiquer ? De quoi parle-t-on alors lorsque l’on évoque celles qui seraient « à protéger » ? Et comment aussi oublier que nous n’avons pas affaire à des demandes individuelles mais à une logique de groupe de pression qui, si on autorisait là le voile, pèserait sur les autres joueuses qui elles ne le portent pas tout en étant de même origine, reproduisant ce « regard du quartier » auquel elles essaient d’échapper entre autres, par le sport ? Comment ne pas avoir à l’esprit, celles qui sont mortes pour avoir refusé le port du voile dans leur pays ou bien l’ont fui, pour pouvoir avoir le choix de ne pas se le voir imposé ? Que vaudrait donc d’avoir adopté une loi contre le séparatisme, si c’est pour ensuite faire la promotion du symbole qui en est le porte-étendard, le voile islamique ?

Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, a affirmé ce vendredi 11 février que les déclarations d’Élisabeth Moreno sur le port du voile dans le sport ne reflétaient pas la position du gouvernement. Très bien, mais à quand une réponse forte dont la cohérence est seule efficace face à ces attaques ? Ceci, alors que la majorité s’apprête à rejeter un amendement venu du Sénat qui prévoyait justement d’appliquer ce principe de neutralité dans les compétitions sportives en général ? Mais le gouvernement a donné son absolution à Mme Moreno pour mettre en place un « index de la diversité » dans les entreprises, qui revient à y imposer des quotas selon les différences, en poussant un peu plus notre société vers le modèle anglo-saxon du multiculturalisme [3].

L’égalité républicaine seule protège de l’emprise communautaire et de l’islamisme

On ne doit accepter aucune prédestination selon l’origine, la religion ou la couleur, en laissant s’installer la promotion d’un droit à la différence dans le football et plus généralement dans le sport, qui tue la mixité, le mélange, qui signe l‘abandon de l’égalité républicaine. Sinon, ce serait offrir une brèche de plus à l’islamisme toujours en embuscade qui progresse à chaque recul. La neutralité dans le sport participe à protéger un espace commun où tous puissent se reconnaître, se retrouver, s’unir, dans l’esprit de faire nation commune, comme citoyens. C’est un choix de société ! Celui de la République laïque émancipatrice qui doit être résolument défendue, au risque sinon que ne s’installe un multiculturalisme qui fragmente notre société, pour vider le mot « liberté » de tout sens commun."

Lire "Hijabisées contre FFF : la neutralité identitaire sur les terrains de foot protège, rassemble et unit, c’est un choix de société !"



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