Revue de presse

"Face à la vague noire, interdisons le voile à l’université !" (J.-P. Brighelli, lepoint.fr , 13 fév. 15)

Jean-Paul Brighelli, enseignant, essayiste, auteur notamment de "La Fabrique du crétin" (Gawsewitch, 2005) 21 février 2015

"Un chargé de cours a été démis pour avoir refusé de faire cours devant une jeune fille voilée. Que tous les enseignants du supérieur fassent comme lui !

Jean-Claude Ravier a rué dans les brancards, mais grâce au président de l’université, Jean-Loup Salzmann, l’ordre règne à nouveau à Villetaneuse - cette même université de Paris-XIII à laquelle appartient l’IUT de Saint-Denis, dont le directeur a été menacé, puis agressé, pour avoir interrompu les activités d’une association étudiante confessionnelle qui s’était annexé un local de la fac pour y entreposer des tapis de prière, et avait extorqué le droit de vendre des sandwiches hallal, alors que c’est une prérogative du Crous.

Voici les faits. Le lundi 2 février, un enseignant vacataire, qui vient deux fois par an, depuis 1987, expliquer à des étudiants déjà très spécialisés les beautés de la fiscalité d’entreprise, a réagi à la présence - qu’il redoutait depuis des années, à force de voir les voiles envahir le campus - d’une étudiante voilée en cours. Sans s’en prendre à l’étudiante elle-même, il a exprimé son hostilité à la présence de signes religieux ostentatoires.

Que n’avait-il pas dit là ! Huit jours plus tard, le président de la fac le démettait de ses fonctions. Son attitude était incompatible avec la laïcité "ouverte", comme les cuisses du même nom, dont nous sommes tous censés faire preuve, depuis que le communautarisme est entré dans les moeurs, et l’entrisme religieux dans les faits. "Il nous a dit qu’il avait grandi à Sarcelles, il a fait l’éloge du multiculturalisme, mais il a aussi dit qu’il ne supportait pas l’affichage de signes religieux et qu’il ne s’attendait pas, après Charlie, à devoir faire cours devant une étudiante voilée", a expliqué un étudiant anonyme.

Le 12 février, Olivier Galzi, sur i>Télé, a monté une courageuse émission où étaient invités les protagonistes, Geneviève Fioraso, secrétaire d’État aux Universités et Guylain Chevrier, ex-membre du Haut Comité à l’intégration, désintégré par Jean-Marc Ayrault au profit du "machin" patronné par Jean-Louis Bianco, et co-auteur de Faire vivre la laïcité. Débat passionnant, particulièrement bien mené par un Galzi percutant et peu impressionné par la Légion d’honneur affichée avec emphase et la morgue de M. Salzmann. Résumé des interventions.

Jean-Claude Ravier, après avoir rappelé qu’il est un enfant de la banlieue, adonné à la diversité depuis son plus jeune âge, fervent partisan de l’intégration de tous, a raconté comment, depuis sept ou huit ans, il avait vu monter la vague noire, et la disparition des autres minorités (les kippas s’éteignent sous les voiles) devant l’invasion des fondamentalistes musulmans. Chaque enseignant peut s’attendre désormais à être "testé" par les tenants de l’intolérance religieuse. Son tour est arrivé, et il a réagi en fonction de ses convictions - parce qu’il y a une loi morale au-dessus des lois civiles, et que prétendre le contraire, c’est justifier a posteriori ou par anticipation toutes les "sections spéciales" qu’il plaira à un État d’inventer.

L’enseignant a donc expliqué posément en quoi ces symboles de superstition le dérangeaient - au grand dam de certains étudiants protestant qu’ils étaient là pour étudier, pas pour faire de l’idéologie : avec des apprentis juristes de cet acabit, aucun problème pour recruter les exécuteurs des résistants du futur. Je suggère à la présidence de Villetaneuse de créer une salle Pierre-Félix-Lespinasse [1] pour les accueillir désormais.

Heureusement, bien que ce pays parfois me désespère, tout n’est pas noir. Ravier a reçu depuis nombre de messages de soutien.

Mais pas de la part de son président. Intervention indignée de Jean-Loup Salzmann (que je me permets de signaler favorablement à Mme Vallaud-Belkacem : en une émission il a donné tous les gages de fidélité bornée à la lettre de la loi qui devraient lui permettre d’être prochainement nommé recteur) : "Je ne comprends pas qu’un enseignant, un avocat, puisse ainsi confondre la laïcité (telle que l’exprime la loi de 1905) avec des discriminations envers les étudiants. Vous n’avez pas respecté la loi ni fait le cours pour lequel vous étiez engagé - de surcroît, vous n’avez exprimé ni regrets ni remords." Et de déplorer l’effet de cette affaire sur la réputation de Villetaneuse, une université "d’ascension sociale". "Vous deviez vous comporter comme un enseignant, pas comme un militant", a ajouté M. Salzmann.

Un vrai enseignant, justement, peut-il accepter cette négation des Lumières que constituent voile, burqa, tchador, et autres facéties destinées à célébrer la liberté de la femme ?

Le directeur de l’IEP d’Aix-en-Provence, dont on a pu apprécier depuis la haute tenue morale, avait tenu le même discours il y a quatre mois à cet enseignant d’histoire qui s’était révolté contre un autre voile, "cheval de Troie de l’islamisme", disait-il.

C’est que les affaires liées à l’entrisme de l’islam dans l’université se multiplient, comme n’a pas manqué de le souligner Guylain Chevrier, ajoutant que partout le contenu même des enseignements est contesté, au nom d’une critique postcoloniale, et que partout un petit groupe organisé fait pression sur le grand groupe inorganisé des indifférents et des lâches. "Faut-il attendre que les problèmes se généralisent ?" D’autant que certains universitaires sont clairement complices - Paris-VIII a ainsi accueilli en décembre 2014 une conférence sur l’islamophobie, dont Tariq Ramadan était la vedette. Les idiots utiles font leur boulot. Le camp du bien réunit les siens.

Et de rappeler que le défunt HCI avait préconisé l’interdiction des signes religieux dans tous les sites d’enseignement - d’autant que près de 30 % des étudiants du supérieur, en BTS ou en prépa, hébergés dans des lycées se plient sans problème aux contraintes fort légères de la loi de 2004. Le principe de laïcité doit permettre de se mélanger - pas de se figer en communautés antagonistes, en groupes très actifs qui pèsent sur les enseignements et occupent indûment les locaux universitaires pour y installer des bulles religieuses. [...]

Olivier Galzi ne s’était pas contenté de ses invités. Il avait interviewé Samuel Mayol, le directeur de l’IUT de Saint-Denis, agressé pour s’être opposé à une association qui entassait les tapis de prière dans un local universitaire, et menacé de mort depuis un an : il souhaite que l’on rouvre la question de la laïcité dans les universités. Galzi avait également demandé son avis à Yolene Dilas-Rocherieux, sociologue, enseignante à Nanterre, à qui ont été adressées des menaces de mort pour avoir dénoncé l’existence de salles de prière et la radicalisation d’une frange étudiante. Dis-moi ce que tu dis, je te dirai si je te tue. "Un piège médiatique", a protesté M. Salzmann. Ben voyons !

Pendant ce temps, la pression monte sur les jeunes filles. L’une est agressée en pleine rue parce qu’elle ne porte pas de voile. Une autre est frappée par son père pour la même raison.

Que faire ? À court terme, les collègues profs de lettres peuvent mettre au programme tout ce qui hérisse les fondamentalistes - Voltaire, Sade, Cyrano de Bergerac, Darwin, l’analyse diacritique des textes religieux. Mais en droit ? Mais en sciences ? L’intégralité du rapport rédigé à la suite des troubles de l’IUT de Saint-Denis est terrifiante. C’est à tous les niveaux que les dysfonctionnements permettent à une minorité d’imposer sa loi.

Il faut que l’on remette très vite en discussion une extension de la loi de 2004 - non seulement aux universités, mais à tous les sites dépendant de l’État. Qui ne voit qu’un référendum sur l’interdiction du voile sur la vie publique ferait un tabac ? Je n’en suis pas là, mais je suggère à un parti intelligent (pas à des populistes qui font leur beurre avec l’angoisse des autres) de lancer une pétition nationale. [...]"

Lire "face à la vague noire, interdisons le voile à l’université !".

[1Procureur sous Vichy, il condamne à mort le résistant Marcel-Mendel Langer : "Vous êtes juif, étranger, communiste. Trois raisons pour moi de réclamer votre condamnation à mort" a requis Pierre-Felix Lespinasse.



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