Revue de presse

"Exhibit B" : "La cabale des censeurs" (J. Dion, Marianne, 5 déc. 14)

Jack Dion, directeur adjoint de la rédaction de "Marianne". 6 janvier 2015

"On peut ne pas apprécier Exhibit B, l’installation-spectacle de l’artiste sud-africain Brett Bailey, qui a fait scandale au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis et subit le même sort au Centquatre, à Paris, où elle est programmée. On peut ne pas goûter ce retour en forme de coup de poing sur les zoos humains de l’époque coloniale, à travers une exposition de tableaux vivants qui ont vocation à donner encore plus de force à la dénonciation d’un temps où les Noirs étaient réduits à l’état d’animaux.

Ce que l’on ne peut pas, en revanche, sauf à tomber dans le procès d’intention pur et simple, c’est traiter Brett Bailey de raciste et demander l’interdiction de son spectacle sous prétexte qu’il met en scène des individus dans des situations humiliantes. A ce compte, il faudrait censurer les Temps modernes, de Chaplin, pour prolophobie. Or, certains n’hésitent pas à se muer en Savonarole d’opérette pour prendre d’assaut Exhibit B et demander la tête de Brett Bailey. Ils lui dénient carrément le droit d’évoquer le sort réservé aux Noirs en raison de la blancheur de sa peau.

En vertu d’un tel précepte, seuls les Noirs peuvent parler des Noirs ; seuls les gays peuvent parler des gays ; seuls les juifs peuvent parler des juifs ; seuls les musulmans peuvent parler des musulmans ; seuls les Corses peuvent parler des Corses ; et seules les femmes peuvent parler des femmes. C’est la négation de l’approche universaliste qui veut que les êtres humains, nonobstant leurs différences, soient égaux entre eux. C’est le comble de l’enfermement communautariste à l’anglo-saxonne, où l’on est défini non par ce que l’on est mais par ses origines, qu’elles soient ethniques, raciales ou religieuses.

Par parenthèse, ceux qui se réclament des Français « de souche » ne disent pas autre chose. La différence, c’est que les apprentis sorciers qui reprennent ces fadaises sont généralement considérés comme des racistes et des xénophobes. A contrario, certains traitent avec déférence les censeurs décomplexés qui jugent du travail de Brett Bailey en fonction de la couleur de sa peau, redonnant ainsi ses lettres de noblesse (si l’on ose dire) aux fils spirituels d’un Charles Maurras qui se retourne de joie dans sa tombe."

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