Revue de presse

"Entre les écologistes et l’Eglise, un flirt tout ce qu’il y a de plus naturel" (Libération, 16 juin 15)

17 juin 2015

"Le mouvement vert, tout comme les chrétiens, a tendance à sacraliser la nature. Les deux camps adoptent ainsi parfois des positions conservatrices, comme sur la manipulation du vivant.

Le pape François peut bien appeler cela la « création » et les écologistes « l’environnement », les voilà qui s’accordent sur la nécessité de préserver la planète et ses habitants du dérèglement climatique. L’encyclique crée un point de convergence incontestable entre l’écologie politique et le christianisme. Certes, les catholiques sont des croyants et les écologistes fondent leur engagement sur des observations scientifiques, comme l’augmentation de la température terrestre ou la disparition croissante des espèces. Et pourtant : sur la crise écologique et ses conséquences sociales, le pape s’appuie sur les mêmes études qu’eux. « C’est la vision d’une écologie du Sud qui intègre la dette écologique. Une vision globale, un texte qui n’est ni contemplatif ni seulement sur le respect de la création, mais une prise de position politique », se félicite l’ex-patronne des Verts Cécile Duflot.

Depuis René Dumont il y a quarante ans, les écologistes français alertent sur les conséquences néfastes du développement industriel et de l’explosion démographique. Pour se faire entendre, ils empruntent souvent le champ lexical religieux et messianique. On se souvient du prêche sincère et habité du non-croyant Nicolas Hulot, lors de sa déclaration de candidature à la présidentielle, en avril 2011 : « Depuis maintenant trente-cinq ans que je parcours le monde, je l’ai vu changer. J’ai vu se creuser les inégalités et la destruction de la nature, qui est notre patrimoine commun […]. Pour la première fois, l’humanité est en mesure d’anéantir sa propre espèce. »

Références. Il y a José Bové, qui s’inspire du théologien protestant Jacques Ellul et de sa critique de la technique pour donner une cohérence à son opposition à toute manipulation du vivant : contre le maïs OGM, mais aussi contre la gestation pour autrui (GPA). Il y a Yves Cochet, qui a publié un livre intitulé Apocalypse pétrole. Et Cécile Duflot, passée par les Jeunesses ouvrières catholiques, pour qui l’écologie « peut être comprise comme un discours de dépassement du matérialisme ».

Au-delà des parcours et des références personnelles et culturelles de chacun, la question du rapport à la nature est posée. « C’est le fondement même de la philosophie écologiste. Comme une recherche d’harmonie de l’homme au milieu du vivant, où le respect de la nature est celui de la maison commune. Mais sans dieu. Cela n’empêche pas qu’il y ait des croyants parmi nous », explique l’ex-eurodéputé Europe Ecologie-les Verts (EE-LV) Jean-Paul Besset. Si les catholiques et les écologistes ont tendance à sacraliser la nature, ils en ont eu longtemps une vision fort différente.

« La Genèse place l’homme en maître d’une nature vouée à subvenir à ses besoins »,rappelle Bové. On est loin de la critique du productivisme prédateur de l’environnement, qu’il soit capitaliste ou socialiste, portée par l’écologie politique. « Le point commun, c’est que nous n’avons pas la propriété de la nature mais seulement l’usage. Cette idée est déjà présente chez saint François d’Assise, rappelle néanmoins Cécile Duflot. Pour certains, l’écologie peut être considérée comme une réinterprétation laïque et sécularisée de la parole évangélique concernant le respect dû à la nature. »

Défi. Il y a dix ans, Jean-Paul Besset signait un livre au titre précurseur : Comment ne plus être progressiste… sans devenir réactionnaire. C’est là le défi qui attend les parties. Les catholiques prennent tardivement la mesure de leurs responsabilités face à la crise écologique. Les écologistes qui prêchent dans le désert voient de nouveaux alliés les rejoindre. Encore faut-il que cela ne se traduise pas par une aspiration à un retour vers une nature révolue ou fantasmée. « Face à cette prise de conscience, plusieurs positions sont possibles, analyse Duflot. Soit une réflexion spirituelle vous amène à remettre en cause l’ordre des choses et vous mène à l’engagement collectif, soit une forme de sagesse écologique vous conduit au contraire à vous retirer de la société de consommation, dans une démarche spirituelle plus individuelle. »"

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