Revue de presse

"Education : "Retrouver la force de l’institution"" (C. Coutel, lexpress.fr , 6 juil. 17)

Charles Coutel, vice-président du CLR, universitaire (Université d’Artois), directeur de l’Institut d’étude des faits religieux. 16 juillet 2018

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"L’essayiste Charles Coutel salue les orientations du ministre et plaide pour une refondation de l’école républicaine."

"Jean-Michel Blanquer a annoncé, il y a un an, qu’il ne procéderait à aucune réforme ; dont acte ! Peut-être entendait-il par là retrouver ce que Montesquieu nomme la "force de l’institution". Résistant à la tentation du réformisme précipité, l’actuel ministre de l’Education nationale se donnerait les moyens de reprendre la tradition républicaine. Sans doute faut-il renoncer à la "réformer", pour rendre possible la "réinstitution" de l’école républicaine [1]. Cette décision est essentielle, car elle nous permet d’envisager l’avenir comme un devenir. Le devenir, c’est l’avenir conscient de notre responsabilité devant la Nation et la République.

Le processus de rupture de l’école républicaine avec elle-même peut être daté par le début de la réforme Haby, en 1975, de l’aveu même de Valéry Giscard d’Estaing, dans un entretien au Figaro du 16 février 2016. Pour l’ancien président de la République, il s’agissait surtout "de rendre impossible un nouveau Mai 68". On supprima, de fait, "nationale" dans Education nationale. Sous couvert de modernisation, on en appela à une "communauté éducative", ouverte aux "humanités modernes" (sic). L’idéal humaniste d’émancipation n’est même pas mentionné.

Le récit humaniste, national et républicain interrompu

Dans ce dispositif orléaniste, il devenait essentiel que l’école instruise de moins en moins et méconnaisse "le paradoxe de l’ignorant" : moins j’ai de mots à ma disposition et moins je m’en rends compte. Je prends conscience de mon ignorance seulement lorsque je commence à m’instruire. CQFD : un nouveau Mai 68 devenait impossible, un nouvel orléanisme triomphait. Mais le prix à payer fut énorme.

Gare, donc, à six sophismes :

1. Prédire l’avenir d’un élève à partir du constat des conditions socio-économiques présentes des parents. Or n’est-ce pas négliger la puissance émancipatrice que recèle l’école républicaine ?

2. Etirer les apprentissages élémentaires dans la mesure même où le temps scolaire se serait allongé.

3. Les programmes scolaires sont toujours trop chargés. C’est confondre l’accumulation sans ordre d’informations dispersées et le déploiement de l’ordre encyclopédique des éléments au sein des disciplines scolaires et des programmes nationaux.

4. Une machine peut nous apprendre quelque chose. Or un élève "renseigné" est-il pour autant un élève "enseigné" ?

5. Les élèves pourraient s’enseigner les uns les autres, le professeur devenant "une personne-ressource". Or il n’informe pas seulement, il instruit, élève et cultive.

6. Valoriser une bienveillance qui "épanouirait" les élèves, en lieu et place d’une juste indulgence qui "émancipe". Sachons retenir la belle formule d’Alain : "Bercer n’est pas instruire."

Tentons d’indiquer sept propositions concrètes :

1. Réaffirmer l’exigence d’élémentarité de l’enseignement scolaire organisé en disciplines précises et reconnues au sein de programmes nationaux et annuels.

2. Réaffirmer l’unité et le caractère national de la formation des maîtres. Comment unifier, dès la rentrée prochaine, le tronc commun des ESPE (écoles supérieures du professorat et de l’éducation) ?

3. Faire de la maîtrise de la langue française, à la fin des études primaires, une véritable cause nationale.

4. Rompre avec le sociologisme actuellement hégémonique qui, par le biais des statistiques, impose aux élèves un déterminisme scolaire et une orientation parfois trop contrainte, trop souvent au service d’une employabilité à courte vue et d’une véritable "assignation à résidence".

5. Refonder l’"élitisme républicain" et le système des bourses au mérite qui en était la meilleure expression.

6. Mettre à leur juste place les machines.

7. Réaffirmer la place éminente de la culture humaniste et des humanités classiques. Par elles, chaque élève apprend à être l’auteur et l’artiste de sa propre liberté éclairée."

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