“Restaurants halal” : du communautarisme au mercantilisme

24 février 2010

Un minimum de conscience historique laisse pantois à la vue des aspirations aux ghettos exprimées de nos jours au sein de notre République. 1789 avait permis de tordre le cou à l’existence des ségrégations entre communautés religieuses, professionnelles et, dans une large mesure, sociales. Finis les quartiers juifs ou les villages protestants, les « déserts ». Table rase des corporations et des insignes professionnels. A bas les Ordres. Il ne devait plus y avoir que des citoyens, égaux au moins en droit. Sauf aux yeux de quelques privilégiés déchus, cette mise à plat constituait une avancée indéniable.

Retour de balancier ou aveuglement, notre société contemporaine voit quelques minorités, qui n’ont d’ailleurs rien à y gagner, se replier sur elles-mêmes, faire assaut de signes et de replis identitaires. On se veut, on s’affiche musulman, catholique, jeune, femme, habitant des « quartiers ». On veut manger hallal, casher ou végétarien. On se veut fier de sa différence et on revendique le droit au particularisme, quand on ne réclame pas la différence de droit. On s’isole, on se schizophrénise, on blâme l’uniformité républicaine, au nom de la liberté communautaire. Bref, on se cloître dans son petit enclos quand la République offre l’universalisme.

Naturellement, il serait naïf de demander aux entreprises du secteur marchand de rester insensible à cette demande des consommateurs. Les spécialistes du marketing savent depuis des lustres découper un marché en segments, qu’ils soient religieux, socio-culturels, ou professionnels ne les offusquent en rien. Nombreux sont les vautours qui convoitent cette proie. Il existe des restaurants de sushis qui se réclament halal.

Un jour, un restaurant à hamburger de Roubaix décide de mieux cibler son potentiel commercial. Quelques-uns montent sur leurs grands chevaux et forment un recours sur des bases juridiques bien fragiles. Démarche moralement louable, sans doute, mais fatalement vouée à l’échec. Tant que nombres de tribuns se satisferont d’une société fragmentée, cloisonnée, vouée au communautarisme, et chercheront à flatter les différences et les pseudo-identités, il ne faudra pas s’étonner que les marchands veuillent exploiter ce filon. Il aurait fallu se réveiller plus tôt et ne pas faire la part-belle au droit à la différence et vanter les mérites d’une diversité ségrégationniste. Il faudrait ne plus se gausser de la République et en appeler à l’idéal de fraternité et de solidarité entre les citoyens, plutôt que d’encourager ses démembrements en ilots religieux, en fratries de quartiers, en cénacles corporatistes. C’est l’unité républicaine qui protège les plus faibles, pas la multiplication des particularismes.

M.V.



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