Revue de presse

"Dilcrah : "antisémitisme" contre "transphobie", une rivalité délétère" (L’Express, 2 fév. 23)

(Dilcrah : Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT). 2 février 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Le gouvernement a validé, le 20 janvier, la dissolution du conseil scientifique de cet organe de lutte contre les discriminations. L’aboutissement malheureux d’une mésentente croissante entre membres de la première heure et nouvelles recrues.

Par Etienne Girard

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La plupart des Français ignorent l’existence de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah). La dissolution du conseil scientifique de cet organe gouvernemental, le 20 janvier, ne risque pas de les émouvoir. Et pourtant, la tempête qui s’est abattue sur cette instance a de quoi surprendre tant elle démontre une gestion catastrophique, par le gouvernement, des nouveaux débats idéologico-identitaires.

Le malaise a atteint son paroxysme le 23 septembre 2022, quand, dans le huis clos d’une réunion houleuse, l’une des membres a divisé l’assemblée en deux "camps" bien distincts. "On vous a fait confiance pour qualifier la fresque d’Avignon d’antisémite, faites-nous confiance sur le fait que l’Observatoire de la petite sirène est transphobe", a lancé cette chercheuse, selon Le Point [1] - assertion confirmée par de nombreux interlocuteurs. Un propos terrible qui parcellise la lutte contre les discriminations en communautés, sans regard ni conscience commune.

Comme un kaléidoscope, ce "vous" et ce "nous" crée plusieurs facettes. Il s’agit, en premier lieu, de s’exonérer d’un travail de conviction : il est toujours plus confortable d’avoir recours à un argument d’autorité – "faites-nous confiance, nous savons".

Est-ce par ailleurs un hasard si c’est le sujet de l’antisémitisme qui a été abordé ? Dans la grille de lecture "intersectionnelle", en plein essor à gauche, les juifs sont souvent les grands oubliés de la catégorie des "dominés".

Et justement, durant cet échange, il a été longuement question de la "domination" qu’exerceraient les "pontes" du conseil scientifique sur leurs collègues plus jeunes. Certains y ont vu une théorisation, consciente ou inconsciente, de l’opposition entre une "vieille école" d’intellectuels, absorbée par l’antisémitisme, acquise à l’universalisme et perçue comme "réac" car prudente sur la question trans, contre une relève plus progressiste, qualifiée par certains de "woke", engagée dans les luttes LGBT.

Entre ces deux gauches manifestement irréconciliables de la Dilcrah, un dialogue impossible, concrétisé après quelques soubresauts par le sabordage du 20 janvier, validé par la ministre Isabelle Rome, chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, et par Matignon.

La polémique a été arbitrée par la Dilcrah de la pire manière. En mai 2022, la sociologue des médias Karine Espineira, membre du conseil scientifique, a démissionné pour protester contre l’appartenance de Smaïn Laacher, président de ce même conseil scientifique, à l’Observatoire de la petite sirène. Cette association, fondée par les psychanalystes Céline Masson et Caroline Eliacheff, veut alerter sur les "dérives possibles" des transitions de genre en augmentation chez les mineurs. Un avatar de La Manif pour tous, s’élèvent les collectifs de défense des personnes trans, ce que les intéressées réfutent.

Après quelques rebondissements, la Dilcrah décide de porter plainte contre l’Observatoire de la petite sirène, via l’article 40 du code de procédure pénale. Il est reproché à Masson et Eliacheff de conseiller aux psychiatres, sur leur site, une attitude "prudente" vis-à-vis des mineurs trans. "Il est très important de soutenir et accompagner les patients avec une grande ouverture d’esprit, mais il est rarement efficace d’un point de vue thérapeutique de pousser le patient à concrétiser toutes ses idées et ses croyances", est-il notamment écrit. [...]"



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