Revue de presse

"Des mères en colère réclament la mixité et l’excellence à l’école" (Le Figaro, 18 mai 15)

20 mai 2015

"Une soixantaine de mamans d’un quartier difficile sont mobilisées contre une évolution de la carte scolaire qui risque, selon elles, de ghettoïser davantage ce quartier enclavé.

« Nous allons faire des bêtises, pour attirer l’attention. Comme les enfants… » glisse Fouzia en souriant. Ce 13 mai, une soixantaine de mamans du Petit Bard-Pergola, quartier difficile de l’ouest de Montpellier, bloquent la circulation du tramway. Elles interpellent le maire (DVG) de Montpellier. « Saurel, ne fais pas la sourde oreille », disent les pancartes brandies par les enfants. Pendant une heure, elles auront réussi à créer un joyeux désordre.

Les habitantes du quartier veulent de la mixité sociale à l’école. Alors que l’actuelle réforme du collège prévoit de gommer la moindre aspérité au nom de l’égalité, elles réclament de l’excellence pour la réussite de leurs enfants. Un mouvement nouveau, fait de femmes jusqu’alors silencieuses, dont la parole s’est libérée. Elles s’étonnent du « mépris » du maire Philippe Saurel. Depuis deux semaines qu’elles bloquent les groupes scolaires Delteil et Armstrong, celui-ci n’a pas pris la peine de les contacter, ni même tenté de rouvrir les quatre écoles.

« Dans ces écoles, il n’y a quasiment plus de Blancs. Comment nos enfants vont pouvoir se sentir français ? interroge Fouzia, leur porte-parole. C’est difficile d’être ambitieux dans un tel contexte. Surtout quand on est une femme. » Depuis la mi-mars, elles sont mobilisées contre une évolution de la carte scolaire qui risque, selon elles, de ghettoïser davantage ce quartier enclavé. La nouvelle sectorisation prévoit d’orienter davantage d’élèves du Petit Bard-Pergola vers le collège Las Cazes. Un établissement de l’éducation prioritaire, autrefois réputé, aujourd’hui appelé le « collège marocain ». Doté d’une « segpa » (section professionnelle destinée aux élèves ayant de graves difficultés d’apprentissage) et d’une unité pédagogique pour les non-francophones, il peine à remplir. Non loin de là, le collège Rabelais, lui, explose. Avec ses parcours spécifiques en chinois et en handball, il attire une population plus mixte.

Elles ont rendez-vous le 20 mai au rectorat avec les acteurs concernés, de la mairie au conseil départemental, qui gère la carte des collèges. Elles ne se contenteront pas d’un retour à la situation antérieure. « Jusqu’ici, nous avons fait confiance à l’école, mais c’est terminé », explique Fouzia, qui parle de « réveil ». « Dès que l’on connaît les codes scolaires, on use de stratégies d’évitement. » Ces mamans l’ont bien compris. « J’ai fait une demande de dérogation pour le chinois, mais elle a été refusée », explique Malika. Elle a donc inscrit son fils dans le privé, à La Providence, à 25 minutes en tramway. « Il a sauté une classe. Je ne veux pas qu’il finisse en filière pro. » Fatima, elle, a l’un de ses fils dans l’internat d’excellence de Montpellier, ou plutôt l’« internat de la réussite pour tous », suivant le vocabulaire choisi par la gauche pour renommer ce dispositif instauré par la droite.

C’est en bordure de l’école, à l’ombre des arbres, que ces femmes ont élu domicile et reconduisent chaque jour le blocage des groupes scolaires. En dehors de quatre « meneuses », beaucoup ne maîtrisent pas le français. Entre elles, elles parlent arabe. La majorité porte le foulard. Ce n’est pas le cas de Fouzia. Cette coiffeuse de 38 ans parle un français parfait. Son vocabulaire est riche et précis. Arrivée du Maroc à l’âge de 11 ans sans en parler le moindre mot, elle a fait son apprentissage rapidement, plongée du jour au lendemain dans le grand bain de l’école républicaine. À l’époque, il y a un peu moins de trente ans, son instituteur passe chez elle le soir, pour l’aider. Il l’inscrit à la bibliothèque municipale. Elle a eu un bac professionnel. Puis, il y a quelques années, pour nourrir sa curiosité, elle a repris des études d’histoire à l’université, en civilisation gréco-romaine. « C’est important de revenir aux racines. Rien n’a changé au fond. » À l’heure où le débat autour de l’enseignement du latin fait rage, elle estime que « les Français d’origine maghrébine sont la “turba” (la plèbe des bas-fonds, dans la société romaine, NDLR) de la Ve République. »

Son fils est au CP. « Mais parfois, il va dans les classes de CE1. Parce qu’il sait lire, contrairement à la majorité des autres enfants de sa classe. On dirait que l’exigence est moins élevée ici. » Elle ignore que la réforme du collège entend supprimer les parcours spécifiques, jugés élitistes par la ministre et la gauche. « Ah bon, mais pourquoi ? Pourquoi tirer vers le bas ? » Elle sait en revanche que la France n’occupe pas une place glorieuse dans le classement Pisa de l’OCDE. Et demande : « Comment font les pays qui réussissent ? »

Saphia, elle, porte un foulard fleuri. « Mais je ne suis pas soumise. La preuve ! On peut être un enfant de la république et être voilée », explique cette jeune femme de 36 ans au regard décidé, arrivée en France à l’âge de 6 ans. Elle refuse que ses trois enfants aillent dans un collège « ghetto ». Mais comprend cette maman non maghrébine qui, venue inscrire ses enfants à l’école du quartier, n’est plus reparue. « Elle a dû se dire qu’il n’y avait que des Arabes et des femmes voilés. C’est en regroupant les gens que l’on crée des groupes radicaux. »

Dans la rue des Araucarias, on a l’impression d’un no man’s land. À se demander si certains immeubles, délabrés, sont habités. Seule la présence d’adolescents dans les halls d’entrée atteste du contraire. Classé en zone urbaine sensible depuis 1996, le Petit Bard-Pergola fait l’objet d’une opération de rénovation urbaine depuis 2005. Il y a un an, la tour H de dix-huit étages a été démolie. Mais, pour Tarek, membre de l’association Justice pour le Petit Bard, créé à la suite de la mort d’un locataire dans un immeuble dégradé, l’ambitieux projet « est passé à côté de ses objectifs de mixité sociale ». Il dénonce le « fichage » des bailleurs sociaux. « Ils regroupent les habitants en fonction de leur nom. À la Paillade, il y a l’immeuble des Gitans, celui des Marocains… » « Alors, tu ne viens pas manifester avec les femmes ? » lance Tarek à l’adresse d’un homme en voiture. Avant de glisser : « Elles s’émancipent… Certains bonhommes ne voient pas forcément ça d’un bon œil. »

L’équipe enseignante soutient le mouvement. « Ici, pas besoin d’expliquer l’utilité de l’école », constate une enseignante. Pour autant, enseigner dans le quartier est un sport. Car les codes sociaux d’usage ne sont pas toujours respectés. « À commencer par les horaires. Débarquer pendant la classe pour demander un certificat de scolarité est une chose courante. Et si l’on ne répond pas tout de suite, on risque l’esclandre », poursuit-elle. « Il y a de très bons élèves, mais il y aura toujours un décalage sur la langue française, qu’ils ne parlent pas chez eux. » En petite section de maternelle, la moitié d’entre eux arrivent sans parler le français. « Le repli communautaire, ça en arrange certains », conclut l’enseignante, qui raconte que, lors des « journées de retrait de l’école » de février 2014 lancées par la sulfureuse Farida Belghoul, les écoles du quartier ont compté 30 % d’absents. Preuve de la présence d’un islam conservateur, pour ne pas dire radical, dans ces quartiers socialement défavorisés.

Le 19 mai, ces mamans interpelleront à nouveau le maire, dans le centre-ville de Montpellier, place de la Comédie. À un quart d’heure du Petit Bard."

Lire "À Montpellier, des mères en colère réclament la mixité et l’excellence à l’école".


Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris

Tous droits réservés © Comité Laïcité RépubliqueMentions légales