Note de lecture

David di Nota - Samuel Paty poignardé dans le dos (G. Durand)

par Gérard Durand. 8 février 2022

[Les échos "Culture" sont publiés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

David di Nota, J’ai exécuté un chien de l’enfer, éd. Le Cherche-Midi, 2021, 160 p., 16 e.

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David di Nota est romancier, dramaturge et docteur en sciences politiques, il a reçu le prix Amic de l’Académie française pour l’ensemble de ses livres.

Dans cet ouvrage, sous-titré « Rapport sur l’assassinat de Samuel Paty », il mène une contre-enquête sur le déroulement des faits qui ont conduit à ce drame, dont nous savons maintenant qu’il n’est en rien lié à l’existence d’un individu isolé et perturbé, mais bien à l’existence d’une cellule djihadiste bien organisée.

Au tout début se trouve la drôle d’ambiance qui règne au sein de l’Education nationale. Di Nota la décrit en termes clairs : « Tout se passe aujourd’hui comme si le professeur était le fautif potentiel et qu’il est très important de le garder à l’œil... Comme si le professeur agressé, ou le plus souvent la professeure, se retrouvait seul, à l’instar d’une victime de viol, qui aurait à prouver que, non seulement les faits se sont bien déroulés comme elle le prétend, mais qu’elle n’est pas en train de salir indument la réputation de son agresseur. »

La doctrine dominante est celle de l’« école de la confiance » qui met le professeur au même niveau que l’élève, alors que le bon sens le plus élémentaire prouve l’absurdité de cette doctrine. Si un professeur déclare avoir été insulté par un élève et si cet élève prétend que c’est le professeur qui l’a insulté, l’élève ne risque que quelques jours d’exclusion mais le professeur verra toute sa carrière entachée par cette « faute ».

Un an plus tard, l’ensemble de la classe politique glorifie Samuel Paty : hommages en tous genres, manifestations officielles, collège rebaptisé au nom de la victime, solidarité des collègues, inévitable intervention du président, invitation de sa famille à l’Elysée. Bref le grand cirque.

Car, au moment des faits, la réalité n’est pas du tout celle-là. Ni avant ni après le meurtre le professeur n’a reçu le moindre soutien, rien du coté de sa hiérarchie directe, la principale de son collège acceptant de recevoir, accompagnant le père d’une élève, un prédicateur notoirement djihadiste. Pas plus de soutien de la part des collègues, certains adressant des courriels où l’attitude de la future victime est durement stigmatisée. En clair, il l’a un peu cherché. Ne parlons pas des élèves qui l’ont désigné à son assassin contre 350 euros. Ne parlons pas plus de l’inspecteur chargé officiellement d’établir les faits et officieusement de tout faire pour ne pas impliquer le ministère dans ce drame.

Si nous revenons en arrière, on voit clairement que toute l’histoire repose sur un énorme mensonge. Celui d’une élève qui décrit par le détail comment Samuel Paty aurait fait sortir les musulmans de sa classe pour montrer aux autres des caricatures obscènes du prophète. Tout est faux, totalement inventé, car l’élève n’était pas présente au moment des faits.

Même l’histoire des caricatures a été manipulée de A à Z. Quand un journal danois les a publiées, elles n’ont entraîné aucune réaction. Mais un tout petit groupe d’imams a décidé d’alerter la planète entière sur cet immonde blasphème en ajoutant aux caricatures publiées, assez anodines, d’autres images d’une grande obscénité. Voila comment des pays entiers, Pakistan, Egypte et bien d’autres se sont enflammés.

Le livre fourmille de détails et multiplie les références au Procès de Kafka. David di Nota enrichit son texte en prenant de la hauteur. Le problème vient de loin « La précarisation du métier d’enseignant repose sur la combinaison hautement inflammable de deux facteurs. D’un côté, un prosélytisme tabligh, salafiste et fréro-musulman … De l’autre, un désengagement continu de l’Etat sous la houlette d’une doctrine économiquement libérale, désengagement qui se traduit par une précarisation chaque fois plus avancée du métier lui-même. » Le tout est appuyé par des intellectuels accommodants insistant beaucoup sur l’importance de ne pas froisser les croyants.

Il existe ainsi une sociologie du "racisé" fort bien incarnée par le livre d’Houria Bouteldja Les blancs, les juifs et nous. Vers une politique de l’amour révolutionnaire . Empli de truismes et de raisonnements binaires, cet ouvrage a cependant attiré l’attention des intellectuels de gauche en inventant une nouvelle catégorie, la position de victime pour des populations entières. Si elles exercent la violence, ce n’est que par imitation des crimes de l’homme blanc. De nombreux passages de son livre, cités par David di Nota, nous font comprendre la « sociologie de la domination ».

La mayonnaise a mauvais goût mais elle prend un peu partout surtout dans les milieux universitaires, qui s’enflamment quand un ministre parle d’« islamo-gauchistes », quand que ce Gilles Kepel nomme le "djihadisme d‘atmosphère" se manifeste tous les jours.

Que peuvent faire les enseignants ? Prés de la moitié déclarent s’autocensurer plutôt que de risquer un incident. D’autres travaillent à une présentation aussi neutre que possible des textes ou évènements historiques pouvant heurter des « sensibilités ». Les autres continuant à parler sans détours à leurs risques et périls.

Périls loin d’être imaginaires comme le démontre le sort réservé à un professeur de philosophie, Didier Lemaire [1], dont une responsable associative n’hésite pas à dire que s’il continue à parler de Trappes, ville devenue fief islamiste, il connaîtra le sort de Samuel Paty.

La France munichoise est en marche.

Gérard Durand



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