Revue de presse

"Danemark : un modèle en question" (marianne.net , 16 fév. 15)

22 février 2015

"Il est aisé de faire le parallèle entre les attentats qui ont frappé la France et le Danemark. Néanmoins, il convient d’avoir en tête que les sociétés françaises et danoises sont bien différentes : au royaume du Danemark, il n’y a pas de "séparation de l’Eglise et de l’Etat", le blasphème est interdit, il n’y a pas de législation sur le port du voile à l’école et sa politique migratoire a été assouplie ces dernières années. [...]

[...] Au Danemark, si la Constitution établit une différence entre l’Eglise et l’Etat et garantit la liberté religieuse, il n’y a pas à proprement parler de « séparation de l’Eglise et de l’Etat ». L’Eglise Luthérienne a statut de religion d’Etat. Les citoyens payent d’ailleurs des impôts pour l’église danoise qui, comme en Grèce, tient l’Etat civil. Si l’on n’est pas protestant, on peut demander que son écot soit versé à une autre institution.
Néanmoins, les religions minoritaires ne sont pas subventionnées. Ainsi, la première grande mosquée de Copenhague a été financée par le Qatar et n’a été inaugurée qu’en juin 2014, en l’absence de toute représentation politique. La plupart des mosquées construites auparavant étaient financées par l’Arabie saoudite, dont certaines d’obédience salafistes ont apporté publiquement leur soutien à l’Etat islamique.

Blasphème interdit, port du voile à l’école autorisé

Au Danemark, le blasphème est interdit par la loi. En revanche, aucune législation sur le port des signes religieux à l’école n’a été mise en place. On procède, au cas par cas, du fait d’un système éducatif décentralisé. Dans les faits, le port du voile est largement toléré, des enseignants ont même été renvoyés de leur établissement pour avoir refusé de faire cours à des élèves qui le portaient.
Le sujet fait malgré tout l’objet de débats de plus en plus vifs — de même que les caissières voilées, l’abattage rituel, la viande halal, dans les cantines scolaires, les crèches — depuis la percée électorale du Dansk folkparti, le Parti du peuple danois, une extrême droite anti-immigrés, arrivée en tête (26,7%) aux dernières élections européennes. [...]

Depuis dix ans, il y a d’ailleurs dans le pays un débat portant sur l’immigration en général, plus que sur l’islam en particulier, les Danois craignant que leur modèle social n’attirent des immigrés qui ne voudraient pas travailler. L’immigration musulmane représente environ 4% de la population et est encore récente. Le Danemark, qui a longtemps été décrit comme l’un des pays les plus généreux et les plus respectueux dans ses politiques d’accueil, n’a pas le culte du multiculturalisme, contrairement à la Suède. Le multiculturalisme y a été défendu essentiellement par les sociaux-démocrates, qui ont longtemps monopolisé le pouvoir avant de le céder pendant dix ans (2001-2011) à une droite dure.

Des générations radicalisées au moment de l’affaire des caricatures

Cependant, l’affaire des caricatures de Mahomet, publiées par le quotidien Jyllands-Postenen en septembre 2005, a tout de même cristallisé les craintes de l’opinion publique danoise sur la question de l’islam. A l’époque, le parti conservateur gouverne, allié à un parti d’extrême droite, refusera tout dialogue avec les représentants de la communauté musulmane, dont certains seront désignés comme des « islamistes » ou accusés de « double discours ». En réaction, le gouvernement ira jusqu’à publier un « canon culturel danois », afin de définir un véritable modèle de « danicité ».

Face à la montée en puissance de l’extrême droite et d’autres événements qui ont marqué l’opinion (comme la création d’un groupe salafiste baptisé « Appel à l’islam » dont la vocation était de créer une police islamique des mœurs dans les zones musulmanes de Copenhague), le gouvernement danois n’a fait que durcir sa politique d’immigration. Le délai d’obtention du permis de séjour permanent dépend alors d’un système de points. Un étranger qui cumule les preuves de son intégration (maîtrise du danois, travail à temps plein, bénévolat…) peut recevoir son permis après quatre années de résidence. Mais ceux qui « refuseraient » de s’intégrer attendent aussi longtemps que nécessaire. Pendant dix ans, l’extrême droite danoise se félicitera d’avoir réussi à imposer la politique d’immigration « la plus dure d’Europe ».

Une politique migratoire assouplie récemment

Le gouvernement social-démocrate danois revenu au pouvoir en septembre 2011, et qui avait largement voté les lois en question, opérera un changement radical pour tenter de « détendre » la question migratoire : suppression du ministère de l’Immigration, simplification des critères pour les demandes de titres de séjour, de citoyenneté ou de regroupement familial, abandon des contrôles aux frontières et du système de permis à points.

Ce changement de cap n’a pas permis au Danemark d’échapper à la nouvelle menace représentée par l’Etat islamique. Au contraire, depuis l’affaire des caricatures, le Danemark fait partie des cibles prioritaires des islamistes. Confronté au retour de quelques dizaines de jeunes partis faire le djihad, le Danemark a choisi la réinsertion, un anti-modèle français de déradicalisation, déjà appliqué pour les repentis néo-nazis. « Tant que nous n’avons pas de preuves indiquant que ceux qui reviennent ont participé à des activités illégales, nous ne pouvons pas les poursuivre en justice. La plupart ont perdu toutes leurs illusions. Nous ne voulons pas les laisser dériver dans la société » expliquait à la correspondante de Libération, le chef de la police d’Aarhus qui accueille ce programme de réhabilitation. [...]"

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