Culture / Cinéma

Cry facho, Clint Eastwood l’homme qui aime les hommes (2) (Th. Martin)

par Thierry Martin. 21 février 2022

[Les échos "Culture" sont publiés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Son œuvre se tient, comme une réprimande monumentale à l’ethos de la gauche « wokiste ».

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(Voir la première partie)

Bien qu’il ait débattu face à la chaise vide de Barack Obama à la Convention nationale républicaine de 2012 [1] – grand moment d’humour – , Eastwood n’est pas John Wayne ou Charlton Heston, ce n’est pas un conservateur doctrinaire – il a même approuvé le milliardaire Michael Bloomberg en 2020 – mais son œuvre plaide pour lui. À lui seul Eastwood a fait plus pour lutter contre la guerre de la gauche contre la masculinité que n’importe qui d’autre bien en vue dans la culture populaire (à l’opposé de La Domination masculine de Pierre Bourdieu)

La représentation du flic dégoûté par la bienveillance des politiciens pour les criminels

« Les personnages qu’il a joués dans tant de films sont aux antipodes du garçon en pyjama qui minaude en soufflant sur son lait de soja et qui vote pour le bon vieux marxiste Bernie Sanders ou Sleepy Joe – surnom donné par Trump à Biden pendant la campagne », comme l’écrit Robert Spencer dans Frontpagemag. « Les Dirty Harry ont pendant des décennies fait enrager la gauche avec la représentation positive du flic qui est dégoûté par la bienveillance pour les criminels des politiciens de gauche et pas seulement, et qui est désireux de faire ce qui est nécessaire pour amener ces délinquants devant la justice. »

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Le célèbre critique américain de cinéma Roger Ebert a tenu des propos bien arrêtés : « La position morale du film est fasciste. Cela ne fait aucun doute. » Une autre critique américaine de renom, Pauline Kael, était d’accord : « Lorsque vous faites un film avec Clint Eastwood, vous voulez naturellement que les choses soient simples, et le combat de base entre le bien et le mal est aussi simple que vous pouvez l’obtenir. Il rend ce genre plus archétypal que dans la plupart des films, plus primitif, plus onirique ; le médiévisme fascistoïde a un attrait féerique. » Elle a ajouté : « Ce genre de film d’action a toujours eu un potentiel fasciste, et il a enfin fait surface. »

En réalité, Dirty Harry n’a rien de fasciste ou de médiéval. Les gens de gauche et pas seulement ont tendance à appeler tout ce qu’ils n’aiment pas « fasciste ». Mais ce que Dirty Harry fait vraiment, c’est montrer la frustration d’un homme face aux ronds-de-cuir de la technocratie légaliste et aux échappatoires que les défenseurs des criminels exploitent depuis une génération pour permettre aux coupables de se libérer, et la tendance des autorités de gauche (pensez à Christiane Taubira) de se concentrer sur les droits des criminels au détriment des droits de leurs victimes. Dirty Harry montre à quel point la focalisation de la gauche sur l’idéologie peut être dangereuse ; c’est pourquoi la gauche le déteste tant.

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Prenons l’un des nombreux westerns classiques d’Eastwood, Pale Rider. Le cinéaste joue un personnage connu sous le nom de The Preacher, qui arrive dans une ville de l’Ouest portant un col clérical et reste assez longtemps pour l’enlever et se venger de desperados travaillant pour un magnat de la mine, qui menacent un petit camp de prospecteurs indépendants. Après qu’ils aient tiré sur le chien d’une adolescente, elle prie : « Si vous ne nous aidez pas, nous allons tous mourir. S’il vous plaît, juste un miracle. » Entre le mystérieux Preacher, qui fournit le miracle demandé. Le titre du film vient d’Apocalypse 6:8 : « Et je regardai, et voici un pâle cheval ; et le nom de celui qui le montait était la Mort, et l’Enfer l’accompagnait. »

Ainsi, au milieu de l’ambiguïté qui entoure le caractère d’Eastwood, nous avons ce qui semble être une reconnaissance de Dieu et une prière qui est exaucée, avec le mal vaincu et la justice restaurée.

Vous voyez pourquoi les gauchistes le détestent tant. Aujourd’hui, la newyorkaise député Démocrate très à gauche, Alexandria Ocasio-Cortez (AOC) a qualifié les femmes de « personnes qui accouchent » et de « personnes ayant des règles ». Lorsqu’elle a été mise en défaut à ce sujet sur tweeter, elle a doublé son gazouillis : « Pas seulement les femmes ! Les hommes transgenres et les personnes non binaires peuvent aussi avoir des menstruations… Le GOP (les Républicains) en colère contre cela protège l’idée patriarcale que les femmes sont les plus précieuses en tant que détentrices d’utérus. Les personnes trans, bispirituelles ou non binaires ont toujours existé et existeront toujours. Les gens peuvent rester fous de ça s’ils le veulent, ou ils peuvent grandir. »

Grandir n’est pas exactement ce que les gens doivent faire pour accepter cette absurdité. AOC utiliserait mieux son temps si elle s’arrêtait pour regarder quelques films de Clint Eastwood et découvrait ce qu’est réellement un homme (et ce qu’est une femme aussi). La masculinité a tant été qualifiée de « toxique » et tant vilipendée dans notre ridicule culture occidentale, que tous les hommes et toutes les femmes ne remercieront jamais assez Clint Eastwood. Revoir certains de ses vieux films, est un impératif, il est le dernier des classiques.

Même si à 91 ans, Clint Eastwood joue dans son 80e film (sans les séries) et signe sa 41e réalisation, Cry Macho. Je n’ai pas eu le temps de le voir sur grand écran. Mon passe-sanitaire réactivé, il n’était déjà plus à l’affiche. J’attends sa disponibilité en VOD, hâte de revoir Clint en cowboy sur son cheval. Il lui faudra pour cela affronter la pègre mexicaine, la police et son propre passé, dit la publicité, tout Eastwood semble là. « This macho thing is overrated » annonce le film, même si Macho, d’après ce que j’en sais, est le nom du coq de combat de Rafa l’ado fugueur mexicain que Clint part chercher de l’autre côté de la frontière pour le ramener au Texas. En route, le vieil homme et le gosse s’arrêtent dans un bled mexicain. « Il y a dans ce film pur et simple, une bonté, un côté sentimental qui n’est pas nouveau chez le réalisateur et qui aujourd’hui saute aux yeux. Clint Eastwood n’a plus rien à prouver, » écrit Eric Neuhoff dans le Figaro.

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Entretemps j’ai vu à la télévision La Mule sorti en 2018 où Eastwood filme magnifiquement le grand âge, le sien. C’est l’histoire vraie de Leo Sharp (Earl Jones dans le film), un horticulteur de 80 ans qui, acculé par des problèmes financiers, avait décidé de devenir une mule pour les cartels mexicains. On retrouve le thème de la rédemption, ainsi que le trauma père-fille (La Corde raide, Les Pleins Pouvoirs, Mystic River, Million Dollar Baby). Mais, ici Earl Jones se confronte avec la mort, « ce moment où les dommages ne se réparent plus et où les regrets se gravent sur les tombes » comme écrit si bien Gaël Golhen dans Première. Dans La Mule, on a souvent l’impression qu’Eastwood va chercher au fond de lui-même… qu’il nous dit comme Flaubert parlant de Madame Bovary, Earl Jones c’est moi… brouille la frontière entre son rôle et sa vie… D’où le chemin de croix de ce vieil homme (« Ça vaut ce que ça vaut, mais je suis désolé pour tout ce que j’ai fait ») qui fonctionne aussi comme une prière ordinaire.

La critique française de gauche a désormais un faible pour Clint Eastwood

La critique française de gauche, forcément de gauche, a désormais rendu les armes face au grand cinéaste. Mais pour combien de temps encore ? Les déboulonneurs guettent. Elle a toujours eu un faible pour Million Dollar Baby, Invictus ou Gran Torino, que ce soit Jean-Marc Lalanne, des Inrockuptibles (qu’on retrouve aussi sur France Culture) ; Michel Ciment, de la revue Positif, sans oublier les participants du Masque et la plume sur France Inter.

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En 1977, à propos de L’Epreuve de force (The Gauntlet), considéré comme un anti-Inspecteur Harry, film loufoque où Sondra Locke – « Gus » Mally, la prostituée de Las Vegas, témoin que Ben Shockley inspecteur de police alcoolique de Phoenix doit ramener pour un procès – le traite de « macho, facho », le New York Times écrit : « Le talent de M. Eastwood réside dans son style serein et sûr de lui, celui d’un homme qui traverse la vie en regardant de haut la calvitie des autres hommes. »

Ce qui prendra tout son sens pour nous Français dix ans plus tard. Lors de la cérémonie des Césars, le plus gauchiste des cinéastes de la Nouvelle vague, celui qui a toujours dit qu’on l’avait élevé en lui disant qu’il ne fallait pas raconter d’histoires, Jean-Luc Godard, hirsute malgré sa calvitie, tête baissée, plein d’humilité – fan inconditionnel de celui qui sait raconter une histoire avec des hommes, des images et des sons –, remet intimidé un César d’honneur à son idole tirée à quatre épingles, l’homme qui reste attaché à la grande tradition du cinéma américain classique, Clint Eastwood.

Thierry Martin



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