Revue de presse

"Communautarisme : pourquoi la gauche reste déchirée" (leparisien.fr , 24 sept. 20)

26 septembre 2020

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Conflit ouvert entre Mélenchon et « Charlie Hebdo », tendances indigénistes chez les Insoumis, divergences au sein d’EELV et fracture persistante au PS… Les gauches sont-elles toujours « irréconciliables » ? Enquête.

Par Jannick Alimi et Philippe Martinat

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Le procès des attentats de janvier 2015 contre « Charlie Hebdo » et l’Hyper Cacher est devenu le théâtre tragique d’une gauche qui se déchire sur la question fondamentale de la laïcité, un principe encadré par les lois de 1905 et 2004 sur la séparation des sphères publique et religieuse. Une ligne de fracture qui se matérialise par le rapport aux communautarismes, islamiste notamment. Un clivage qui existe aussi bien entre les partis qu’au sein même de certaines formations.

Fin août, Jean-Luc Mélenchon avait ainsi créé la stupéfaction en comparant, sur Twitter, l’article de « Valeurs Actuelles », l’hebdomadaire de la droite dure, qui avait représenté la député LFI Danièle Obono en esclave, aux lignes éditoriales de « Marianne » et « Charlie Hebdo ». Le journal satirique lui avait répondu que « l’amalgame et la compromission étaient le nouveau programme de la France insoumise ». Lundi 21 septembre, après avoir dû être exfiltrée d’urgence de son appartement par la police à la suite de menaces de mort djihadistes, Marika Bret, la DRH de « Charlie Hebdo », s’en est prise vivement au député des Bouches-du-Rhône qu’elle accuse d’alimenter « un climat de haine ».

« Avec de tels propos, Jean-Luc Mélenchon rompt avec la tradition historique de la gauche dont la légitimité est fondée sur la création d’une république laïque », souligne Guillaume Lacroix, président du Parti radical de gauche. Si Mélenchon, socialiste laïcard à ses débuts, affirme toujours être « hostile à tous les communautarismes », il apparaît, en effet, de plus en plus ambigu et doit, de surcroît, composer avec ses troupes. « La France insoumise est un chaudron dans lequel bout une mixture hétérogène de marxistes internationalistes, de populistes nationalistes et d’Indigènes de la République, des laïcs et des communautaristes », s’inquiète de son côté une Insoumise.

Rival potentiel de Mélenchon à la présidentielle, le député Insoumis de la Somme, François Ruffin évite, lui, soigneusement ces questions. Il préfère défendre « la loi de 1905, toute la loi, et rien que la loi de 1905 » et mettre en avant les questions sociales.

Le défi à la laïcité a commencé au début des années 2000 lorsque la LCR (Ligue communiste révolutionnaire), devenue le NPA (Nouveau Parti anticapitaliste) a propulsé en 2010 une candidate voilée aux élections régionales en Provence-Alpes-Côte-d’Azur. « Ils ont voulu défendre les couches sociales issues de l’immigration considérées comme les nouveaux opprimés tout en fermant les yeux sur la dimension religieuse et communautariste, estime Jérémie Peltier, directeur des études de la Fondation Jean-Jaurès. C’est ainsi que certains sont passés de la lutte des classes à la lutte des races. »

Ce que certains comme Manuel Valls avait appelé l’« islamo-gauchisme » a trouvé ensuite de nombreux relais, notamment dans le monde universitaire, associatif et même syndical. La semaine dernière, une étudiante de l’Unef a créé la polémique au Palais-Bourbon en venant témoigner devant une commission coiffée d’un foulard, ce qui est conforme au règlement de l’Assemblée nationale, mais a entraîné le départ de plusieurs députés de droite et de la majorité.

Chez les Verts, toutes les ambiguïtés sont loin d’être levées. Certes, leur secrétaire national avait affiché, en janvier dernier, son « attachement à la laïcité, au droit de blasphème, à la liberté d’expression ». Mais, le même Julien Bayou, avait participé, quelques mois plus tôt, à la fameuse manifestation contre « l’islamophobie » au cours de laquelle des « Allah Akbar » avaient été scandés… Une marche à laquelle avait, en revanche, renoncé Yannick Jadot.

Le candidat potentiel à la présidentielle préfère marteler son engagement pro-laïcité et estime, par exemple, que le burkini « n’a rien à faire dans une piscine. » De quoi agacer certains écologistes, comme Eric Piolle à Grenoble (Isère), qui a pu, lui, tolérer les burkinis, ou Jeanne Barseghian, dont la liste pour la mairie de Strasbourg comprenait une candidate voilée.

« Il n’y a pas de place sur notre sol pour un affrontement entre communautés », avertit, de son côté, Olivier Faure. Depuis son élection en avril 2018 à la tête du Parti socialiste, le député de Seine-et-Marne a fait de la laïcité un de ses principaux combats. En novembre, le bureau national du parti a ainsi décidé que « le principe de la défense d’une République laïque » devait entrer dans le corpus idéologique du PS.

« Il fallait en finir avec les hésitations sur le communautarisme qui ont caractérisé la vie du parti depuis trente ans », souligne Olivier Faure. Dans les années 1990-2000, le PS se met à l’écoute de Terra Nova, un groupe de réflexion, qui, pour contrebalancer la perte du vote ouvrier, plaide pour « la diversité, composante la plus dynamique, tant électoralement que démographiquement, de la gauche ».

Le PS n’est pas encore totalement tiré d’affaire sur cette question du communautarisme, même si, nuance Jérémie Peltier, « tous les gens borderline sont partis avec Benoît Hamon ». « Il y a toujours chez certains élus de banlieue, et notamment les plus jeunes, une tentation de plaire aux communautés, au nom, disent-ils, de la liberté et de la différence. La révolution laïque n’est pas achevée chez les socialistes », confirme un cadre du PS.

« La gauche ne pourra pas s’unir si elle ne se réconcilie pas autour de la laïcité », prévient Guillaume Lacroix. Parti du PS pour fonder le parti Gauche républicaine et socialiste, le député européen Emmanuel Maurel veut croire encore que les gauches ne sont pas irréconciliables. Tout en prévenant : « Dans notre ADN de gauche, il y a la liberté absolue de critiquer les religions et même toutes les autorités. »"

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