Note de lecture

Les dix propositions d’Abdennour Bidar

par Patrick Kessel, président du Comité Laïcité République. 28 février 2015

Abdennour Bidar, Plaidoyer pour la Fraternité, Albin Michel.

Les attentats barbares à Paris et à Copenhague témoignent des limites du modèle communautariste et de l’urgente nécessité d’un sursaut de fraternité. Nous avons peu de temps devant nous pour tirer les leçons et prendre les indispensables mesures, sous peine de laisser l’extrême droite récupérer la peur et les haines. Le sursaut populaire a été à la mesure de l’enjeu mais, ainsi que l’écrit Abdennour Bidar, "Nous n’avons aucune garantie que l’événement nous fasse basculer durablement dans le bon sens".

Dans son Plaidoyer pour la Fraternité, l’auteur, ancien membre de la mission laïcité du Haut Conseil à l’Intégration, qui se définit comme "philosophe et mystique", pose clairement l’enjeu : ou bien l’adhésion à la devise fondatrice de la République "Liberté, égalité, fraternité" s’impose à tous, ou bien "l’importance de la présence musulmane en France créera tôt ou tard les conditions d’une sécession interne, et si la période est mauvaise, d’une guerre civile". Le bilan est clair, courageux de la part d’un homme pondéré, à l’écoute de l’autre, en quête de spiritualité.

Mais pour quelles raisons, au lendemain des attentats de janvier, boudant, et parfois contestant la minute de silence, certains se sont-ils réclamés d’une sensibilité "Je ne suis pas Charlie ?" "C’est du côté du vivre-ensemble que se trouve le malaise", écrit Abdennour Bidar pour qui nos valeurs : dignité, liberté, égalité, fraternité, solidarité, laïcité, mixité, ont besoin d’être réapprises par notre société tout entière. Notre Nation a oublié d’en assurer l’enseignement.

Car le sursaut qu’il appelle de ses voeux devrait se produire "aussi bien du côté de la France que du côté de l’islam de France". "L’islam accuse la France de faire payer à ses musulmans l’indépendance de l’Algérie. En retour la France suspecte l’islam d’être foncièrement incompatible avec la modernité, la démocratie, les droits de l’homme, la laïcité" et "fait passer à ses musulmans un interminable test d’intégration".

L’entendement est-il possible quand "l’Occident met la liberté humaine au centre tandis que l’islam y met le sens du sacré ?" s’interroge-t-il. Il est vrai que la liberté est de l’ordre de la raison tandis que le sacré religieux est de l’ordre de la foi. N’est-ce pas pour cette raison que nos ancêtres ont inventé la laïcité, la séparation des églises et de l"Etat, afin de laisser chacun choisir pour lui même, mais pour lui seul, le sens qu’il donne à sa vie ?

Le plaidoyer d’Abdennour Bidar conclut sur des propositions. Les musulmans doivent se "débarrasser de tout ce qui est archaïque : la dissimulation complète du corps des femmes, le refus de la mixité, la vérité absolue du Coran, le dogme d’une "doctrine unique" ", écrit-il. Est-ce à la République de s’impliquer dans cette quête d’un islam des Lumières défendu par des intellectuels musulmans ? Abdennour pense que la France doit aider les musulmans alors que beaucoup d’entre eux "cherchent à élaborer un rapport libre à leur culture, à leur religion - et non pas à être sempiternellement encadrés par des clercs, même éclairés".

Et de formuler dix propositions à débattre parmi lesquelles la création d’un "Harvard de l’islam", d’états généraux d’une "pensée libre, laïque de l’islam", l’ouverture dans des universités majeures de départements d’études laïques des religions pour former les professeurs... L’auteur plaide aussi en faveur d’un service civique obligatoire, de chartes de valeurs partagées dans les entreprises, de la création d’un ministère de la fraternité. La fraternité entre femmes et hommes libres et égaux. L’autre nom de la citoyenneté, que chantaient les sans-culottes marchant sur Valmy, au cri de la "Fraternité ou la mort".

Patrick Kessel


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