Revue de presse

"À Siliana, des Tunisiens à bout contestent les islamistes" (Reuters, 2 déc. 12)

3 décembre 2012

"La petite ville tunisienne de Siliana, théâtre depuis mardi d’affrontements violents entre les forces de l’ordre et une jeunesse au chômage, réclame la chute du gouvernement islamiste et se demande ce que le "printemps arabe" lui a apporté.

Siliana sera-t-elle pour les islamistes modérés d’Ennahda au pouvoir en Tunisie, ce que fut Sidi Bouzid pour l’ancien président Ben Ali, le signe annonciateur de la fin ?

Il y a près de deux ans, le suicide d’un jeune marchand ambulant à Sidi Bouzid à qui l’on avait confisqué son étal donnait le coup d’envoi du "Printemps arabe" qui allait renverser Ben Ali puis Hosni Moubarak Egypte, Mouammar Kadhafi en Libye et Ali Abdallah Saleh au Yémen et mettre en difficulté les régimes syrien et bahreïni.

Deux ans plus tard, la Tunisie s’essaie timidement à la démocratie mais est toujours en proie à la pauvreté, au chômage et aux luttes intestines pour savoir quelle orientation donner à un Etat autrefois farouchement laïque.

Depuis mardi à Siliana, localité de 25.000 habitants située à 140 kilomètres au sud-ouest de Tunis, de jeunes hommes en colère, la plupart sans emploi, descendent dans la rue pour exprimer leur exaspération à l’encontre des islamistes modérés d’Ennahda, le parti du Premier ministre Hamadi Jebali qui dirige le pays allié à deux formations de gauche.

"Le peuple veut une autre révolution" ; "Ennahda, dégage ! La partie est terminée", affirment les graffitis tracés sur les murs de la ville, comme un écho aux slogans de la "Révolution de jasmin".

"VOUS AVEZ PRIS NOS YEUX"

Les affrontements de ces derniers jours ont fait plus de 250 blessés, dont 17 personnes rendues aveugles par des tirs de chevrotine, dit-on de source médicale.

Le correspondant de la chaîne de télévision France 24 et son chauffeur ont été touchés mercredi par des tirs de chevrotine mais sont hors de danger. "Ça fait deux ans que je couvre des manifestations en Tunisie et je n’ai jamais vu un usage de la force aussi disproportionné. Il n’y avait aucune retenue", a expliqué David Thomson sur le site de la chaîne d’information continue.

La Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Navi Pillay, a condamné vendredi que le gouvernement tunisien pour recours excessif à la violence.

"Vous avez pris nos yeux, mais vous ne pouvez emporter notre voix", affirme une apostrophe en rouge sur un mur.

"J’ai perdu mon oeil à cause de la police, voilà ce qu’a fait Ennahda. Ils nous ont attaqués sauvagement alors que nous sommes sans emploi et marginalisés. La police d’Ennahda ne fait que rajouter un problème", déclare Anis Omrani, 24 ans, un oeil recouvert d’un pansement.

"Siliana sera le second Sidi Bouzid. Nous allons nous débarrasser de ces islamistes qui ne connaissent rien à l’islam", ajoute-t-il.

Les manifestations à Siliana ont commencé mardi à l’appel du syndicat UGTT pour réclamer des emplois, des investissements et le départ du gouverneur islamiste de la région.

Conscient du parallèle avec Sidi Bouzid, le gouvernement a fini par mettre momentanément à l’écart le gouverneur de Siliana samedi et promis des emplois aux victimes de la "révolution de jasmin" de l’hiver 2010-2011.

Les manifestations de Siliana sont les plus violentes depuis l’attaque de l’ambassade des Etats-Unis à Tunis en septembre par les salafistes à la suite de la diffusion sur internet du film islamophobe "l’innocence des musulmans".

"COMME LE RÉGIME DE BEN ALI"

Vendredi, dans un discours à la télévision, le président tunisien Moncef Marzouki a appelé le Premier ministre à remanier le gouvernement pour tenir compte des manifestations. Sinon, a estimé le chef de l’Etat, le pays risque de sombrer dans le "chaos".

Mais Hamadi Jebali a rejeté ces appels. Il accuse les partis de gauche qui ont perdu les législatives de semer la discorde et d’inciter les Tunisiens des régions pauvres de l’intérieur à se tirer une balle dans le pied en organisant des troubles de nature à dissuader les investisseurs étrangers.

Les opposants de gauche à Ennahda sont clairement présents à Siliana. Ils accusent le gouvernement de n’avoir pas vraiment cherché à réformer les forces de l’ordre qui étaient des piliers du régime autoritaire du président Ben Ali.

"Le gouvernement se conduit comme le régime de Ben Ali", estime Iyad Dhamani du Parti républicain. "C’est un gouvernement arrogant qui pense que sa victoire aux élections lui permet d’utiliser les gaz lacrymogènes et la chevrotine sur les gens au lieu de leur donner des emplois et des investissements."

Samedi, une manifestation a rassemblé 3.000 personnes. Les manifestants ont jeté des pierres sur les forces de l’ordre qui ont fait usage de gaz lacrymogènes et procédé à des tirs de sommation de leurs véhicules blindés. Les voies autour de la ville étaient bloquées par des pavés et des débris brûlés.

"Siliana, tu seras le cimetière du parti Ennahda", scandaient les manifestants."

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