Revue de presse

A. Shalmani : "De Macron à Mélenchon, l’ère des "bullshiters" (L’Express, 16 juin 22)

Abnousse Shalmani, journaliste et écrivaine. 19 juin 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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"Je vous ai déjà parlé du philosophe américain Harry Frankfurt, auteur de l’excellent et indispensable essai De l’art de dire des conneries, publié en 2005. Depuis l’élection présidentielle, il m’obsède, j’y reviens sans cesse. La théorie de Frankfurt est que le menteur ment délibérément pour cacher la vérité, la déformer à son avantage ou convaincre en la détournant. Ce faisant, il maintient un rapport avec la vérité. Le bullshiter (le diseur de conneries) se fout de la vérité. Il dit pour convaincre, sans se soucier de la vérité. Et plus il exagère, flatte, invente, s’amuse, davantage il convainc. Qu’importe la vérité, il impose ses conneries par le bagou, le cran, la certitude, l’art oratoire. J’insiste sur la date de publication de l’essai : 2005. Harry Frankfurt avait vu venir notre monde. [...]

Emmanuel Macron "bullshite" à tour de bras. Il dit des conneries quand il nous explique que la culture française n’existe pas, quand il change de conviction comme de ministre, quand avec des trémolos dans la voix il diabolise, à raison, le Rassemblement national puis tente le même coup avec la Nupes, oubliant au passage la complaisance dont bénéficie l’extrême gauche en France, incapable de dénoncer les crimes de Staline, de Mao, des Khmers rouges, de Chavez, de Poutine, alors qu’un ex-Premier ministre, Lionel Jospin, a été formé chez les pires trotskistes, les lambertistes - tout comme le nouveau héros de la gôche, Jean-Luc Mélenchon.

Son gouvernement, et son ministre de l’Intérieur en tête, "bullshite" quand il maintient que le chaos du Stade de France, lors de la finale de la Ligue des champions, est le fait des supporters de Liverpool alors même que les images, les témoignages disent que le chaos, les agressions sexuelles, les vols à l’arraché, "le film d’horreur" sont le fait de bandes de voyous. Les commentateurs "bullshitent" en direct alors que l’image diffusée en continu les contredit de toute évidence. Le bullshit, c’est le politiquement correct qui nourrit le crocodile du populisme.

Jean-Luc Mélenchon est l’empereur du bullshit. L’art oratoire en plus. Il dit n’importe quoi, mais il le dit bien, profitant de la dépolitisation de l’espace public par Emmanuel Macron, proposant un programme économique qui n’a rien à envier à celui de Mitterrand version 1981, un avenir social où les interdits nient la nature humaine et promettent une censure à tous les étages, où la race prend la place de l’individu, où les futures alliances internationales nous enverraient illico dans le camp des pires autocrates.

Les néoféministes "bullshitent" en creusant la tombe des femmes. Qu’il y ait procès équitable ou non, qu’il y ait plainte ou non, condamnation ou pas, qu’importe ! Les hommes sont coupables, les femmes victimes. Il faut croire les femmes car elles n’ont jamais été crues, il faut condamner les hommes car leur sexe leur commande de tuer les femmes. Bientôt, les néoféministes remettront à la mode le chaperon pour éviter aux femmes de se retrouver seules avec les prédateurs que sont les hommes.

Comment sortir du bullshit, alors ? Par la nuance, pardi ! Par la culture, le droit, le respect de l’individu, l’espoir qu’il est possible que demain ait une meilleure gueule qu’aujourd’hui. "

Lire "De Macron à Mélenchon, l’ère des "bullshiters", par Abnousse Shalmani".


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