Revue de presse

"A quoi Mélenchon croit-il vraiment ?" (Marianne, 19 mai 22)

20 mai 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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"[...] L’exemple le plus éloquent de ces changements de pied est le rapport à la laïcité, une thèse que l’intéressé décrit comme « le refrain du Printemps républicain ». Les faits paraissent pourtant têtus : après les attentats de 2015, Mélenchon « conteste le terme ­d’islamophobie » et affirme « le droit de ne pas aimer l’islam ». Désormais, il accuse Charlie Hebdo (et Marianne) d’être « les porte-bagages » de Valeurs actuelles et répond, le 10 février 2022 : « Vous me demandez si on a le droit à l’islamophobie ? Moi, je vous réponds que la phobie est stupide. » Sans compter les désormais bien connues participations à la marche contre ­l’islamophobie (en 2019), la contestation radicale de la loi séparatisme, la promotion de cadres aux positions communautaristes, etc.

Il se trouve étonnamment ­d’anciens Insoumis pour affirmer que Mélenchon se montre constant en matière de laïcité, mais pas dans le sens auquel on pourrait s’attendre… « La laïcité de Mélenchon a toujours été marquée par un regard paternaliste sur le monde arabe affirme un ex-élu LFI. Il n’est jamais sorti du paradigme à l’ancienne : intransigeant à l’égard du catholicisme, il évite systématiquement la question de l’islamisme en France. Pour lui, cela n’existe pas. » Cette thèse, certes audacieuse, se trouve appuyée par de nombreux exemples. Ainsi, la si émouvante oraison funèbre prononcée en l’honneur de Charb, en janvier 2015, prend soin de désigner les « fanatiques religieux, des crétins sanglants » sans mentionner une seule fois l’islamisme.

L’esquive des sujets qui fâchent va tout de même assez loin. Ainsi, en décembre 2016, au conseil national de son parti, Mélenchon adresse une consigne à ses troupes : « Je ne veux pas que vous abordiez la laïcité pendant la campagne qui arrive. Je n’ai rien à prouver là-dessus. » Sans verser dans le communautarisme lors de la présidentielle de 2017, il évite donc de s’attarder sur la question, se contentant d’un mot d’ordre efficace qui contente à peu près tout le monde : « Foutez-nous la paix avec vos histoires de religion ! » Difficile, par ailleurs, d’imaginer un républicain pointilleux réserver des circonscriptions de choix à Danièle Obono et à Clémentine Autain… Depuis 2019, le virage est net. « Je pensais qu’il garderait son côté tacticien en conservant un équilibre, murmure un Insoumis déçu. Ce qu’il se passe depuis la marche contre l’islamophobie, c’est une rupture assumée. » Et bien plus compatible, au fond, avec l’état d’esprit majoritaire à gauche aujourd’hui.

Cette rupture n’est pas la seule. On a vu ainsi, lors de la dernière campagne présidentielle, Mélenchon le raide jacobin lâcher du lest sur son attachement à l’indivisibilité du territoire : « La France n’est plus un État unitaire » a-t-il proclamé, pour justifier ­l’octroi d’un statut d’autonomie spécifique à la Corse. Sa conversion à l’écologie, en revanche, est de plus longue durée : dès la présidentielle de 2012, Mélenchon affirme son divorce avec le productivisme roi et la nécessité d’une « règle verte ». Sur ce plan, le vieux socialiste affirme que la découverte de l’écologie a constitué, pour lui, une « révolution intellectuelle » de même portée que la lecture de Marx. Il n’est pas le seul à avoir mis du vert dans son rouge, mais il n’est pas le dernier converti, tant s’en faut. [...]

C’est dans cet attachement jamais démenti à la « Sociale » qu’il faut chercher les raisons de sa séparation avec le PS, dont Mélenchon a inlassablement combattu la conversion au libéralisme. Bien sûr, il y a aussi les blessures de l’ego, comme celle du congrès de Brest, en 1997, où ses troupes sont placées près des toilettes et où la motion qu’il conduit obtiendra un humiliant score de 8,81 % des voix alors que François Hollande, après un petit arrangement, lui avait « promis » de le créditer de 15 % (vive la « démocratie » interne à la sauce solférinienne…). Mélenchon gardera de ces années-là une franche détestation du futur président, qui s’amuse de le voir humilié et le méprise tant, le jugeant archaïque. [...]"

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